Jacques Gautier Atelier  
 

 

 

MAÎTRISE DE LA MATIÈRE AU CŒUR DE L'ATELIER

Maître-verrier, orfèvre, forgeron d’art, joaillier, sculpteur, lithographe, peintre, il est impossible de résumer l’étendue des savoir-faire de Jacques Gautier. Il serait plus juste de le présenter comme une sorte d’alchimiste qui n’aimait rien d’autre que de rester des heures dans son atelier à chercher des alliages étonnants, des nuances parfaites d’émaux coulés à plus de 1200 degrés. « J’ai besoin de mystère pour créer, de l’odeur de soufre et de feu que je ne trouve qu’ici… » disait-il.

C’est en compulsant des manuscrits à la Bibliothèque Nationale que Jacques Gautier redécouvre la technique médiévale du « ramolayé ». À partir de là, deux techniques dominent son œuvre : « le cristal que je reçois en barres et que je fais fondre, les métaux non-ferreux que je travaille et que je recouvre d’argent et de platine ».

Sa technique de l’émaillage consiste, dans une formule qu’il a mise au point, à déposer du verre sur un fond d’argent découpé et placé dans une cuvette à la forme du motif recherché. Cette application crée un effet iridescent très caractéristique. D’une baguette de verre mise en fusion par son passage au chalumeau naissent les formes, les couleurs et les transparences de ses pièces d’émail. « La température de fusion est différente pour chaque cristal. Il me faut dix jours pour trouver le point idéal. Un degré de trop ou de moins, tout est fichu. En fait, c’est une question d’intuition, il faut sentir le feu.»

La découpe et le martelage des métaux, sont la première étape de la réalisation du bijou.

Pour l’émaillage, deux chalumeaux sont nécessaires. La pièce étant maintenue par une pince sur une fine grille de métal, Jacques Gautier peut travailler le verre en fusion. Hors du feu, il lui faut attendre le complet refroidissement de la matière. Jusque-là, l’émail est fragile. L’argenture posée à l’extérieur, le polissage, le montage et la pose d’un léger vernis achèvent le bijou. L’aspect translucide de l’émail, les effets mouchetés, obtenus par des moutures de différents verres broyés dans un moulin à café, distinguent ses créations.

Le traitement de l’émail transparent, d’aspect cristal, topaze, saphir ou glacier sur fond d’argent confère au bijou une vibration et un éclat inimitables. De longues années de recherches sont parfois nécessaires pour mettre au point certains effets, comme l’inclusion de la teinte « rubis »qui apparaît dans les émaux de l’été 1990. Jacques retravaille aussi les fonds d’argent avec de fins outils : il imprime ainsi un mouvement, un volume qui accentuent l’éclat de la matière. On peut y distinguer des motifs et presque toujours des signes discrets, signatures très personnelles de l’artiste.

Dès 1961, l’artiste libre, tel que Jacques Gautier se définit après son départ de la couture, explore des territoires de création insolites.

Le silicium, métalloïde et noyau constitutif des silicones, travaillé en inclusion dans l’émail sera la nouveauté de l’automne 1962 et présenté lors de l’inauguration de la galerie, rue de Bourgogne, le 10 octobre. Un peu plus tard, ce sont des bijoux électroniques qui traduisent la rencontre entre le futurisme de l’aluminium et le romantisme d’une forme de cœur qui s’allume et s’éteint ! Il expérimente d’autres techniques comme le mille-fleurs et les premières pierres semi-précieuses qui, en 1983, apparaissent dans ses bijoux, améthyste ou topaze incrustées dans l’émail.

Jacques Gautier occupera successivement quatre ateliers et emploiera des ouvriers jusque dans les années quatre-vingt. Après ses débuts au domicile familial de Fontenay-sous-Bois, l’atelier de la rue de Richelieu, situé tout près de la Bibliothèque Nationale où Jacques avait fait ses recherches, sera représentatif de la période que l’artiste consacra à la couture en tant que parurier. Avec le succès, l’activité trouvera son plein essor entre les ateliers de la rue de Seine et de la rue de Bourgogne.

L’atelier du 11 rue Bergère, dans le 9e arrondissement de Paris, sera le dernier atelier de Jacques Gautier, jusqu’à son décès. Il y aura travaillé quotidiennement pendant près de 25 ans.